En France, la transformation digitale du commerce ne suit pas une trajectoire uniforme. À l’heure où certaines grandes enseignes ne jurent que par les technologies interactives, de nombreux petits commerces, eux, hésitent encore à faire le saut numérique. La fracture est visible. Pourtant, les chiffres révèlent une tendance de fond : la digitalisation s’impose progressivement dans les points de vente. Le virage est en cours, et la plupart des marques ont désormais conscience de l’enjeu stratégique qu’il représente.
Une étude publiée en septembre 2016 par le cabinet Keley Consulting révèle une réalité en mutation : la majorité des enseignes françaises ont engagé ou envisagent sérieusement leur transformation digitale. Mieux encore, les consommateurs eux-mêmes plébiscitent certaines technologies. Mais derrière cette dynamique, subsistent des disparités, des freins psychologiques, des freins économiques, et parfois une mauvaise compréhension de ce qu’implique réellement une digitalisation réussie.


L’écran connecté : le champion du digital-in-store
Parmi les outils numériques adoptés par les enseignes, l’écran connecté se détache nettement. Grand favori du retail, il séduit tant les professionnels que les consommateurs. Selon l’étude de Keley Consulting, près de 75 % des enseignes du secteur déclarent avoir équipé, ou envisagent d’équiper, leurs boutiques d’écrans numériques interactifs. Et ce choix est en phase avec les attentes du public : 38 % des Français préfèrent interagir avec un écran numérique plutôt qu’avec d’autres outils digitaux lorsqu’ils sont en magasin.
Il ne s’agit pas seulement d’un effet de mode. Les écrans numériques permettent d’informer, de guider, de suggérer, et d’interagir avec le client sans l’intervention directe d’un vendeur. Ils offrent une grande souplesse : affichage dynamique, contenu promotionnel, configuration de produits, démonstrations vidéo, recommandations personnalisées… L’écran devient un véritable levier d’engagement.
Des technologies qui séduisent, mais à des degrés divers
Derrière l’écran connecté, d’autres technologies gagnent en popularité. Les codes-barres et la RFID arrivent en deuxième position avec 37 % de préférence de la part des consommateurs. Ces outils facilitent le traçage, l’inventaire en temps réel, mais aussi l’information produit instantanée (composition, stock, compatibilité…).
Autre technologie émergente : le paiement par téléphone mobile, favorisé par 15 % des consommateurs. Ce chiffre, bien qu’encore modeste, témoigne d’un glissement progressif vers une expérience d’achat plus fluide et sans friction. Ce sont surtout les jeunes générations qui s’approprient ce type d’usage, appréciant le gain de temps, la simplicité, et la sécurité perçue.
En parallèle, les attentes des clients concernant le digital en magasin sont clairement exprimées. 53 % des Français citent comme bénéfices majeurs la possibilité de s’informer facilement sur un produit et de régler ses achats plus rapidement. 37 % souhaitent localiser un produit en rayon sans devoir chercher ou solliciter un vendeur. Enfin, 27 % aimeraient pouvoir utiliser leur carte de fidélité de façon plus simple et connectée. Ces chiffres traduisent une vraie appétence, mais surtout une demande de fonctionnalités concrètes, utiles et immédiatement accessibles.

Les français et la digitalisation, une histoire de génération
Si les technologies séduisent globalement, l’âge joue un rôle important dans leur adoption. Les générations les plus jeunes sont déjà familières des outils numériques en magasin :
- 59 % des 18-29 ans ont déjà utilisé un dispositif digital in-store
- 56 % des 30-44 ans également
- Mais ce taux chute à 47 % chez les 45-59 ans
- Et atteint seulement 35 % chez les plus de 60 ans
Il existe donc une fracture générationnelle. Ce décalage n’est pas un rejet total, mais davantage une prudence, voire une forme de méfiance liée à l’inconfort face aux nouvelles technologies.
Chez ceux qui refusent l’usage d’outils digitaux en magasin, les arguments avancés sont révélateurs :
- 59 % préfèrent l’interaction humaine avec un vendeur
- 42 % estiment que la digitalisation menace l’emploi
- 32 % sont préoccupés par la protection de leurs données personnelles
Ces réticences doivent être prises en compte dans toute stratégie de déploiement digital. Une transformation réussie doit s’intégrer avec tact et pédagogie, sans imposer, mais en accompagnant.
Découvrez nos solutions dédiées aux Commerces
Quels effets concrets sur l’expérience client ?
Malgré certaines réserves, les bénéfices perçus du digital sont bien identifiés. Pour 30 % des Français, les outils numériques en magasin améliorent directement l’expérience d’achat. Ils rendent la visite plus agréable, plus rapide, et souvent plus efficace.
Par ailleurs, 19 % des répondants estiment que la présence d’outils digitaux incite à entrer dans un magasin. Autrement dit, la digitalisation devient un facteur d’attractivité, surtout dans les zones urbaines où la concurrence est forte.
Enfin, 17 % déclarent que le digital améliore leur perception de la marque. Plus qu’un simple gadget, l’outil digital devient un marqueur de modernité et de professionnalisme, un signal positif qui renforce la crédibilité de l’enseigne.
Des freins encore bien réels dans la mise en œuvre
Mais si la digitalisation est plébiscitée en théorie, sa mise en œuvre sur le terrain reste imparfaite. L’étude « Smart Retail » menée par Samsung en décembre 2016 met en lumière plusieurs tensions.
1. Un manque de visibilité sur le retour sur investissement (ROI)
C’est l’un des principaux freins exprimés par les enseignes. Nombre d’entre elles hésitent à investir sans avoir une méthode fiable pour mesurer l’efficacité des outils déployés. Pourtant, seulement 24 % des entreprises en phase de digitalisation ont mis en place des indicateurs pour mesurer leur ROI. Sans outils d’évaluation, difficile d’optimiser la stratégie ou de justifier les dépenses.
2. Une digitalisation souvent mal orientée
Autre constat frappant : seulement 4 % des décideurs interrogés disent maîtriser les enjeux de la transformation digitale et comprendre les besoins qu’elle fait émerger. Beaucoup d’équipements sont installés sans réelle stratégie. Résultat : 82 % des écrans en magasin servent uniquement à remplacer l’affichage papier, notamment pour les promotions ou les messages statiques.
Seuls 18 % des écrans sont utilisés pour afficher du contenu dynamique, interactif ou personnalisé, pourtant beaucoup plus engageant. Cette sous-utilisation réduit fortement la valeur ajoutée potentielle de ces dispositifs.
3. Le coût : frein majeur à l’équipement
Enfin, 57 % des enseignes qui ne se sont pas équipées en outils digitaux évoquent des freins budgétaires. Le coût initial d’installation, de maintenance et de formation est souvent perçu comme élevé, voire dissuasif, surtout pour les structures indépendantes ou les petits commerces. Pourtant, il s’agit souvent d’un investissement stratégique à long terme, bien plus qu’une dépense court terme.
En conclusion, la digitalisation du retail est une tendance de fond, bien ancrée dans la réalité commerciale française. Les écrans connectés, les technologies de paiement mobile, les outils d’information produit ou encore la personnalisation de l’expérience sont autant de leviers qui séduisent une partie croissante des consommateurs, en particulier les plus jeunes.
Les enseignes françaises ont amorcé le virage, souvent avec conviction, mais parfois avec maladresse. Pour réussir cette transformation, il ne suffit pas d’installer des outils : il faut comprendre les usages, former les équipes, écouter les attentes clients, et surtout, mesurer les impacts.
Le digital n’est pas une finalité, mais un moyen d’enrichir l’expérience client, d’optimiser les opérations internes, et de construire une relation plus fluide, plus personnalisée, plus durable. Les enseignes qui sauront allier technologie intelligente et proximité humaine seront les mieux placées pour conquérir les consommateurs de demain.