La modernisation des musées est devenue une nécessité pour répondre aux attentes d’un public toujours plus exigeant et diversifié. Cette transformation, loin d’être un simple choix esthétique ou technologique, constitue un processus complexe. Elle implique des ajustements tant au niveau de la conservation et de la présentation des collections que dans la manière dont les visiteurs interagissent et perçoivent l’espace muséal.
Dans cet article, il s’agira d’explorer les différentes étapes nécessaires à cette modernisation des musées, depuis le diagnostic initial jusqu’à la mise en œuvre d’une stratégie efficace. En mettant l’accent sur l’importance de l’implication des équipes, de l’adaptation des ressources et de la prise en compte des politiques, nous vous montrerons comment les musées peuvent se positionner stratégiquement dans le paysage culturel dans lequel ils évoluent.
Diagnostic préliminaire : le lancement vers la modernisation des musées
Le choix de la modernisation des musées via le passage à l’ère du digital passe toujours par un diagnostic réalisé en amont. L’objectif est d’établir un état des lieux précis qui permet de désamorcer les problèmes, d’anticiper les points de difficultés et d’optimiser ses atouts.
Il peut se résumer en une analyse type SWOT :
- Forces : une base de visiteurs fidèles, des collections prestigieuses, un bâtiment neuf et aux normes, un budget confortable, une équipe disposée au changement, etc…
- Faiblesses : une infrastructure fragile, le manque de ressources humaines, un matériel daté, une boutique peu adaptée, l’éloignement vis-à-vis des modes de transport en commun, etc…
- Opportunités : des atouts pour séduire un public plus jeune, une équipe formée aux réseaux sociaux, etc…
- Menaces : concurrence, baisse de budget, etc…
Chaque thème et chaque département doivent être passés en revue scrupuleusement afin d’évaluer la faisabilité d’un éventuel plan de modernisation du musée. Ce type d’audit complet doit être réalisé avec minutie et impliquer l’ensemble des acteurs de la direction du musée, les équipes et peut également être complété par une forme de participation des visiteurs (sondage, etc.). Il peut être mené en interne ou via un cabinet ou un consultant extérieur qui garantira impartialité, recul et expertise.
Comprendre les visiteurs : au cœur de la modernisation des musées
- Quel âge a-t-il ?
- D’où vient-il ? S’agit-il majoritairement de locaux, de Français d’ailleurs, d’étrangers ? De touristes ou de résidents ?
- Que fait-il ? Quelles sont les CSP les plus représentées ?
- S’agit-il d’individus seuls, de couples, de petits groupes d’intérêts, de groupes organisés, de groupes scolaires ?
- Quelles sont leurs habitudes de visite ? Comment achètent-ils leur billet (sur Internet, au guichet, à l’office de tourisme etc.), combien de temps restent-ils ?
La prise en compte des politiques innovantes
Le chemin vers l’optimisation de l’outil numérique dans le musée n’est pas forcément un terrain vierge pour l’établissement. Parfois de manière anarchique, parfois plus intuitivement ou par la force des choses, certains départements sont sans doute déjà utilisateurs du digital :
- L’accueil, la billetterie, la mise en valeur des collections
- L’accessibilité aux personnes souffrant de déficit sensoriel, auprès des seniors ou des plus jeunes
- Le branding
- La présence sur les réseaux sociaux, etc
L’adaptation des ressources
Le basculement vers le numérique dans le secteur de la médiation culturelle est conditionné par une totale coopération des équipes. Les ressources humaines doivent être mobilisées pour :
- Expliciter, anticiper et accompagner le changement : les motivations, les ambitions doivent être clairement exposées à l’ensemble de l’équipe. Chaque département se verra attribuer des tâches et des objectifs précis.
- Déployer un plan de formation : si la formation semble évidente pour les employés les plus anciens ou les personnes les moins exposées à l’usage des outils informatiques, elle est aussi nécessaire de manière générale lorsqu’il s’agit de maîtriser un nouveau logiciel par exemple
- Accompagner les différentes étapes du changement : certains plans se déploient sur plusieurs mois, plusieurs années. Il est indispensable d’identifier ces paliers et de se réunir à une fréquence donnée pour que chacun soit acteur du changement et non victime.
Le financement est toujours le nerf de la guerre. Qu’il s’agisse de musées publics ou privés, l’évolution des budgets dans le champ de la médiation culturelle est un sujet critique ces dernières années.
Il est donc judicieux d’établir en amont une budgétisation globale du projet. Chaque poste et chaque phase doivent être circonscrits avec précisions.
C’est aussi le moment de chercher d’autres types de financement ou de partenariats :
- Du mécénat privé
- Du sponsoring – Des partenariats publics
- La candidature à des aides européennes, etc.
Le positionnement stratégique : l’art de moderniser les musées
Il n’existe pas de solution prête à appliquer. Chaque musée, compte tenu de son profil, de ses ressources, de son environnement et de ses contraintes, doit pouvoir définir des objectifs qui lui sont propres et, de fait, des moyens personnalisés.
C’est la définition du positionnement souhaité qui va déterminer les moyens à mettre en œuvre. Pour connaître son positionnement actuel, qu’il soit subi ou choisi, il faut avant tout s’interroger sur la perception des tiers (du public actuel, du nonpublic, des partenaires, des institutions publiques, etc.) mais également des personnes qui incarnent le musée.
La définition du positionnement idéal se fait à travers le filtre Réponse / Crédibilité / Distinction :
- Il doit apporter une réponse à une attente précise de l’ensemble des individus ou des entités à qui l’on s’adresse.
- Il doit être empreint de crédibilité : il faut absolument doser l’objectif, être ni trop ambitieux, ni trop dévalorisant. L’enjeu est vital, notamment pour les équipes qui vont porter cette ambition.
- Il doit proposer une distinction forte vis-à-vis des concurrents et des établissements associés.
Un dialogue constant avec le personnel est essentiel dans la construction du plan. Il doit aussi être maintenu tout au long de sa mise en œuvre. Un calendrier de réunions peut être mis en place et diffusé largement. En parallèle, des incitations au partage d’expériences et l’établissement d’un échange informel constant doivent permettre d’ajuster ou d’expliciter tel ou tel point plus efficacement.
Côté visiteurs, l’enjeu est double :
- En amont, ils sont les acteurs essentiels pour établir ce positionnement. Ce sont eux les premiers juges.
- En aval, ils sont les bénéficiaires et les cibles principales de cette mutation. Elle doit donc être parfaitement adaptée et pensée pour résister à une certaine évolution au fil des ans.
Le dialogue avec les visiteurs passe par une observation fine de leurs comportements, l’analyse des statistiques (et éventuellement la mise en place d’outils). Il passe aussi par des sondages ou des questionnaires (sur place ou en ligne), des boîtes à idées, des échanges sur les réseaux, etc.
Déploiement des actions pour moderniser les musées
Expliquer pour s’impliquer
- Quand débute la phase de transition, quel est l’objectif final ?
- Quelles sont les étapes globales importantes ?
- Quel est le déroulé pour chaque département, comment se coordonnent-ils les uns par rapport aux autres et dans leur totalité ?
- Quels sont les éventuels désagréments ou compromis à prévoir (dates de vacances imposées, fermeture du musée, horaires modifiés etc.) ?
- Quel budget est nécessaire pour l’implémentation du plan ? Avoir une idée des moyens financiers, c’est également prendre conscience pour chacun qu’il s’agit d’un effort considérable et que manquer cette opportunité serait un gâchis pour l’établissement.
Le changement est naturel et inéluctable : mieux vaut le décider que le subir !
Être le chef d’orchestre des équipes
Chaque équipe et chaque département seront sollicités de manière différente et à des degrés divers :
- L’équipe d’information, d’accueil et de sécurité va voir son organisation logistique optimisée : l’outil informatique, les terminaux mobiles, les appareils d’accompagnement de la visite seront désormais les principaux outils de travail.
- L’équipe de distribution et de commercialisation : la billetterie informatisée, la gestion, les statistiques mais aussi les nouveaux partenariats seront désormais communs.
La communication intègre un énorme pan 2.0 avec les réseaux sociaux, une newsletter, un site internet dynamique et vivant.
La stratégie marketing
Le musée devient une marque, il faut donc être soucieux de son storytelling. Les prises de paroles deviennent plus fréquentes avec les outils du numérique : sur les réseaux sociaux, l’animation doit être quasi quotidienne ; le site doit être mis à jour fréquemment pour rester à la pointe de l’actualité et ne pas risquer de se faire déclasser dans le référencement. Les posts, les photos, les vidéos, les partages doivent impérativement rester cohérents avec le positionnement choisi.
La stratégie web passe aussi par une interrogation profonde sur la veille :
- Que font les musées concurrents ?
- Que font les établissements à proximité, assimilés à la concurrence ?
- Que font les musées du reste du pays ? En Europe, dans le monde ?
- Quels sont les derniers outils technologiques applicables à l’établissement ?
Les ressources humaines : un pivot fondamental
Encore une fois, la gestion des ressources humaines est sans doute l’un des pivots les plus stratégiques pour la modernisation du musée. Il est parfois judicieux, de désigner ou de convenir d’un interlocuteur par groupe ou par département. Cet intermédiaire pourra assister à une série de réunions plus stratégiques et être le porteparole du changement vers ses collègues. Il pourra aussi faire remonter un certain nombre d’informations sur le suivi de la mise en œuvre des différentes étapes du plan.
Les phases de formation seront des moments cruciaux dans le bon déroulement de ce plan d’action. Elles permettront une harmonisation des compétences et la mise à niveau de personnels qui se mettent parfois en retrait sur ce type de projet commun. La formation peut être extérieure : dispensée dans une école de formation ; ou bien interne : avec un consultant qui se déplace et s’adapte aux postes, aux horaires.
L’accessibilité, un enjeu fondamental pour la modernisation des musées
L’accessibilité fait partie des enjeux de société endossés à la fois par les pouvoirs publics et par les entités privées depuis plusieurs années.
Penser le musée pour la diversité des publics, c’est répondre à une attente contemporaine et anticiper sur les législations et les usages de demain.
Envers les personnes à mobilité réduite : une solution pratique pour une visite sans obstacle
La création d’un secrétariat d’État, le renforcement des lobbys et des associations, le vote de lois contraignantes et effectives pour les espaces publics, les lieux de travail et les espaces privés sont d’excellentes nouvelles pour les personnes à mobilité réduite.
C’est le moment de saisir l’opportunité et de s’approprier le sujet de l’accessibilité. Elle passe par des mesures très concrètes : installation de rampes, d’ascenseurs et de toilettes adaptés par exemple.
Mais pour les personnes à mobilité réduite, l’enjeu est aussi plus subtil : pouvoir anticiper sa visite et donc acheter son billet différemment, avoir accès aux collections digitalisées ou sur d’autres supports.
Ces solutions sont à trouver au cas par cas, en fonction du profil de chaque musée. C’est aussi le moment de solliciter des associations ou des experts – un partenariat valorisé et enrichissant qui peut impliquer les membres de l’équipe salariée.
Chez Digilor nous avons créé des solutions adaptées aux PMR afin de proposer des offres inclusives qui correspondent aux besoins de tous les visiteurs.
Capter le jeune public grâce aux interactions et à l’engagement
L’accessibilité aux jeunes publics est l’un des enjeux majeurs ; elle est aussi le garant du futur du musée. Si cette cible fait particulièrement partie du plan de repositionnement, elle guidera des choix technologiques spécifiques :
- Développement d’expositions et de visites interactives ou le visiteur devient acteur
- Mise à disposition d’outils pédagogiques complémentaires (support sur tablette par exemple) pour toucher un jeune public moins informé et moins sensible, et proposer un discours plus informel et plus direct
- Développement d’outils spécifiques aux visites de groupes (type groupe scolaire)
Le Musée Mémorial du Linge est site emblématique de la bataille des Hautes-Vosges lors de la Première Guerre mondiale, et se veut un lieu de mémoire et d’éducation pour les générations futures. Grâce à un quiz, les enfants sont invités à réfléchir sur les conflits, à s’engager pour la paix et à comprendre l’importance de la mémoire historique. Ce projet illustre l’engagement de Digilor à utiliser la technologie pour éduquer et promouvoir les valeurs de paix et de responsabilité chez les jeunes générations.
Le projet avec le Musée Mémorial du Linge en vidéo
Les seniors : Information et confort
Les seniors sont essentiellement en quête d’informations. Le clivage s’approfondit, entre ceux qui ont pris le train de la technologie, utilisent l’informatique (plus ou moins facilement) et connaissent les rudiments d’une recherche sur Internet par exemple, et ceux qui restent hermétiques faute de formation, de matériel, d’accès.
Dans tous les cas, ces seniors sont une catégorie essentielle du visitorat mais restent à l’opposé des digital natives pour qui le digital est intuitif et intégré au quotidien.
Les seniors disposent de plus de temps et pour certains, d’un budget confortable (bien que ce dernier soit en baisse constante ces dernières années). C’est donc une catégorie de population qu’il convient d’écouter et de comprendre.
Les personnes avec un déficit sensoriel
Les personnes souffrant d’un déficit sensoriel étaient, jusqu’à il y a peu, oubliées des circuits de visite de musées, notamment les personnes aveugles ou malvoyantes.
Pourtant, les collections ne sont pas systématiquement uniquement accessibles par la vue ! Les musées possédant des collections fournies peuvent, par le biais de la digitalisation, mobiliser des œuvres ou des archives très facilement pour répondre à un public précis.
Découvrir des chants, des ambiances sonores ; toucher des sculptures, des objets anciens en bois ou en métal ; sentir des flacons… Le musée doit pouvoir jouer sur tout type de supports et cette mutation est parfaitement soutenue par le développement des outils numériques.
La modernisation des musées à l’ère numérique représente plus qu’une simple mise à jour technologique. C’est un processus profondément stratégique qui nécessite une compréhension fine des attentes et besoins des visiteurs, et une capacité d’adaptation et d’innovation constante. En s’appuyant sur une approche globale et collaborative, les musées peuvent non seulement rester pertinents dans un monde en mutation, mais aussi devenir des acteurs majeurs de la diffusion de la culture et du savoir.